Claudine C. est décédée fin novembre. Cette année encore, elle était inscrite à l’atelier de sculpture du mardi matin, mais les chimiothérapies ne lui permettaient plus de venir régulièrement, avant même l’hospitalisation finale. Claudine C. avait de très beaux yeux clairs et son regard était lumineux; j’adorais sa manière très « Vieille France » de ne jamais oublier de me demander « comment va Madame ? » ou de terminer la conversation par « et bonjour à Madame », parlant de mon épouse. Claudine C. déplorait sans doute comme moi que nous ayons à nous tutoyer à l’école, mais là, il aurait fallu se cacher pour continuer à se vouvoyer.
Claudine C. a disparu en respectant le protocole en vigueur. Elle a laissé « ses dernières volontés » : crémation, pas de cérémonies, ni fleurs ni couronnes. Disparaître sans déranger. Trépasser inaperçu. Seules les célébrités télévisuelles (un chanteur de rock, un romancier) peuvent alimenter les discussions et donner lieu à des mises en scène médiatiques. Je crains malheureusement qu’en croyant exprimer un choix personnel, (« ne vous dérangez par pour moi »), Claudine C. n’ait fait que se conformer à une injonction contemporaine de la Société du Spectacle.
De Claudine C. il me reste une petite aquarelle réalisée avec délicatesse (un exercice, un portrait de « Madame ») et, tel le chat du Cheshire lorsqu’il disparait dans le récit de Lewis Caroll, un sourire qui flotte dans l’espace. Un sourire avec de très beaux yeux clairs.
Adieu Claudine…
Philippe Roussel
Commentaire de Nadine Fredon : « Un sourire avec de beaux yeux clairs ! une amitié sans arrière-pensée ! Tu es partie trop tôt, nous avions encore plein d’expos à découvrir… »
Merci pour maman