Résumé (?) de la visite du samedi 12 octobre 2019 à « Mont-de-Marsan Sculptures 11 »
- 26 participants à l’expédition en car.
- Germano Frias nous a rejoint sur le parcours.
- Il n’y avait pas de guide-conférencier
- Il faisait chaud.
- Les pâtes servies à « Lilltle Italy » étaient froides.
- Françoise et moi n’avons pas retrouvé la « galerie » que nous avions annoncée comme très intéressante. Le dimanche précédent nous y avons passé un moment avec les sculpteurs André Abram et Didier Virepinte. Impossible de la retrouver. Disparue. Pourtant, comme disait Marie-Thérèse, la bonne qui se retrouvait miraculeusement enceinte dans « La vie est un fleuve tranquille » : « Je vous jure que c’est vrai ! » (heureusement que nous étions deux à ne pas avoir eu la berlue).
- Voici quelques photos prises par Jean-Luc Bertin
Dans cette petite sélection ne figurent que des oeuvres de Christophe Charbonnel et Benoit Huot, ainsi que personnage-babel de Parvine Curie et le « Hero, leader and God » d’Alexander Kosolapov; Pour prendre connaissance de l’ensemble des artistes présentés dans cette édition de Mont de Marsan Sculptures, reportez-vous à cette brochure pédagogique très complète de 50 pages : DossierAideVisite-LesMythes2019
ou revenez-voir l’article précédant le voyage…
Charles Despiau et Robert Wlérick, les deux sculpteurs n’auraient dû faire que des bustes… il y en a beaucoup dans le musée (trop disent certains visiteurs) et ils mériteraient qu’on les regarde plus attentivement…
Le savoir-faire de Robert Wlérick était renforcé par une très grande méticulosité, proche du perfectionnisme. Sa « petite Landaise » de 1914 avait été appréciée par Rodin, qui lui trouvait une finesse évoquant Donatello… Dans le musée, la présentation de « la petite Landaise » est accompagnée d’une photographie de son modèle. Ce dispositif semble d’emblée intéressant : on se prend immanquablement à comparer la photo et le buste, comme si la ressemblance était le critère de l’oeuvre… (il faut même faire un effort pour penser que la photographie elle-même n’est pas non plus la réalité de son modèle..)
Au début de la visite, dans le jardin à côté du Musée, nous avons échangé quelques réflexions en face des deux sculptures monumentales de Robert Wlérick : Héraklès (L’athlète au Javelot) et Zeus (sans l’éclair). Quand nous les regardons aujourd’hui, nous ressentons un léger malaise car elles sont très « datées », elles sont caractéristiques de ce qui se faisait dans les années Trente, en réaction à l’Art Moderne, au cubisme. Il s’agissait soit disant d’un retour au classicisme et à une « sérénité » plastique , mais on sait malheureusement dans quel contexte peu serein ce style a été mis en valeur..
Le titre de la planche ci-dessus est « Le sculpteur de l’Allemagne« . En 1933 lorsque parait cette « caricature » dans le journal berlinois Kladderadatsch aussi bien qu’aujourd’hui en 2019, tout le monde identifie immédiatement Hitler. Le personnage en arrière-plan dans les deux premiers dessins présente les caractéristiques du stéréotype « intellectuel ou marchand juif » tel que le représentaient les nazis : petit, courbé, myope, avec un long nez. Première case : Hitler, qui est habillé en militaire sous sa blouse, les mains sur les hanches, toise de haut à la fois l’homme et l’oeuvre : nous voyons une composition d’une dizaine de personnages enchevêtrés, la plupart d’entre eux levant les bras et celui qui est au premier plan venant de tomber au sol. L’image désordonnée d’une lutte confuse. Dans le deuxième dessin Hitler agit d’un seul coup de poing sur deux plans : il détruit l’oeuvre et ce qu’elle représente. Pour gagner en dynamique expressive le dessinateur Oskar Garvens (1874-1951), qui était lui-même également sculpteur, n’hésite pas à figurer la puissance de l’impact par quelques petits traits jaillissant du groupe écrabouillé : visiblement un seul coup suffit de la part d’un tel écraseur. Par contre le deuxième personnage lève en vain un bras réprobateur et désolé, sa bouche ébauche un non inutile et impuissant. Il disparaît d’ailleurs pour la suite de l’histoire… et cet effacement n’a pas qu’une signification narrative. Dans la troisième image, Hitler retravaille la matière, il pétrit l’argile, remet le bloc à un état initial. Il y a bien à ce moment à la fois l’idée d’annuler ce qui a été fait et de tout recommencer. Le dictateur n’est pas dessiné en train de modeler patiemment mais au contraire de travailler « en force » avec ses biceps et ses poings. Le quatrième dessin esquive la phase de réalisation constructive et nous livre sans délai le résultat avec une dernière touche qui ressemble à un adoubement : se dresse maintenant sur la sellette le stéréotype de l’homme aryen idéal, tous muscles bandés (mais avec un sexe « flouté », inexistant).
Sur internet, un commentateur écrit : « Der Zeichner nimmt eine zustimmende, fast bewundernde Haltung ein. Anstatt die gesellschaftliche Situation durch Übertreibung oder ironische Brechung kritisch zu analysieren und zu hinterfragen, wie es Karikaturen normalerweise machen, arbeitet der Zeichner durch die Kontraste die starke, schaffende Kraft Hitlers heraus. » C’est intéressant (n’est-ce pas ?) mais il faut nuancer le propos : les guillemets que j’ai mis au mot « caricature », au début de cette description, étaient justifiés par ce souci de distinguer caricature et propagande. Cette planche de propagande nous dérange par(1) l’antisémitisme et (2) l’apologie d’Hitler. Sur leplan formel, comme le dit le commentaire en allemand, nous n’y voyons aucune trace de ce qui est le propre des caricatures, c’est-à-dire de l’ironie par rapport au personnage principal dessiné. Au contraire, le dessin renforce l’action, cherche à la valoriser, en particulier en s’appliquant à dessiner de façon très ressemblante et respectueuse le Führer. Son personnage envahissant occupe presque la moitié de la surface de chaque image. Rien qui puisse nous faire franchement sourire.
Nous restons avec des questions : est-ce que, par réaction nous allons vouloir expédier à la corbeille ce genre de dessin ? Et que faire de ce style de statues : les écraser à notre tour d’un coup de poing ? Non ? Que proposez-vous ? de la pédagogie, encore de la pédagogie, toujours de la pédagogie ?… (ah oui, comme le titre de la rubrique du Canard Enchainé qui m’interpellait : « Eduquons ! éduquons ! »)
Pour finir par un contrepoint un peu abrupt, voici un autre documentaire historique : « Les statues meurent aussi » réalisé par Alain Resnais et Chris Marker. Cette bombe date de 1953.
Je connais le texte du début par cœur, comme un poème de Baudelaire :
« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’Histoire.
Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’Art.
Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la Culture.
C’est que le peuple des statues est mortel. Un jour les visages de pierre se décomposent à leur tour.
Les civilisations laissent derrière elles ces traces mutilées comme les cailloux du Petit Poucet mais l’Histoire a tout mangé.
Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu. Et quand nous aurons disparu nos objets iront là où nous envoyons ceux des nègres, au musée… » (et là il y a l’image amusante des tampons de bureau avec l’étiquette « origine inconnue »)…et caetera, et caetera…
Prévoyez un peu plus de trente minutes à partir de maintenant :