Photographies de Denis Brihat au musée de Gajac

DenisBrihat

Ceci n’est pas la photo !

L’image de la photo d’un oignon ci-dessus n’est pas du tout la même que celle que vous verrez en allant au musée de Gajac, qui est cent fois plus intéressante. Ici, ce n’est qu’une imitation, un simulâcre.  Au moins quatre différences essentielles : (1) la dimension, déjà, ça change tout  (2) les couleurs aléatoires sur l’écran / maîtrisées et minutieusement choisies au tirage (3) la lumière : celle-ci vous l’envoie dans les yeux / l’originale la reçoit dans l’environnement où vous la regarderez en face à face (4)  la perception instantanée et isolée dans un flux où elle  apparaît fugitivement / la présentation d’un ensemble, d’une oeuvre, d’une recherche poursuivie pendant des dizaines d’années, la mise en relation de cette photo avec les autres, du même photographe : Denis Brihat.

Ne manquez pas de rester voir les vidéos : ce sont des interviews réalisés à des dates très espacées (de 1975 à 2010) et il est passionnant d’entendre Denis Brihat s’exprimer sur son travail, sur ses choix, sur sa passion, sur sa vie. (En vieillissant il s’avère de plus en plus intéressant..). Ne croyez pas que vous allez passer voir ces photos rapidement,  afin de vous débarrasser de cette corvée culturelle (« T’es allé voir l’expo Denis Brihat ? c’est jusqu’au 26 juin… ») en quelques minutes : si vous commencez à regarder, vous allez être pris… prévoir nettement plus d’une heure !

Mais bien sûr, tout est une question de perception : percevoir n’est pas une action passive, on ne reçoit pas une image, on la construit  dans sa tête; nos yeux partent très rapidement à la recherche de formes globales connues, de détails accrocheurs, ils piochent des éléments en même temps que notre cerveau s’emploie à les guider à l’aide de mots, de connaissances acquises et de souvenirs personnels, d’évocations et d’associations d’idées. Deux personnes devant la même photo de Denis Brihat ne la perçoivent pas de la même façon. Ne parlons même pas du jugement qui en résulte… L’exposition est bien conçue, pas trop bavarde, et tous les éléments sont donnés pour « mieux » voir, pour éviter les malentendus.

La photo, art du malentendu :  voici une anecdote personnelle à propos d’une photo d’un autre photographe de la même génération, Guy Le Querrec, une photo apparemment à l’opposé de celles de Denis Brihat. Guy Le Querrec appartient plutôt à l’école Cartier-Bresson, c’est-à-dire la recherche de « l’instant décisif », la photo qui capte et pérennise une fraction de seconde, une action. Alors que Denis Brihat prend tout son temps, persuadé que le temps et l’éternité c’est la même chose… Denis Brihat travaille comme un peintre. Il se dit lui-même contemplatif. Un jour donc (début de l’anecdote) j’étais en Bretagne, dans la région de production des artichauts, à Saint-Pol-de-Léon et j’ai montré la photo ci-dessous à une personne de l’endroit (pour illustrer ce que j’avais essayé d’apprendre dans un stage photo). Cette personne, que j’aime bien, a pris la photo, l’a regardée attentivement pendant quelques secondes (j’étais content qu’elle s’intéresse à l’art de la photo) et m’a dit en me la rendant « Je ne vois pas qui c’est…non, peut-être que je ne connais pas ce fermier ». Elle n’avait pas vu le vol de l’artichaut, vous croyez ?

un artichaut volant, à Saint-Pol-de-léon

Photo de Guy le Querrec (agence Magnum)

 

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