Les portraits au stylo à bille de Christian David

dessins au stylo à bille

« Christian David, vous étiez en voyage le jour du vernissage de l’exposition à la Villa Rapin : votre double dessin « l’homme et l’animal » a été particulièrement remarqué et apprécié ! La plupart des personnes qui s’arrêtaient pour en parler avaient du mal à croire que vous ayez pu obtenir un tel rendu de nuances et d’expression en utilisant uniquement des stylos à bille ! depuis quand dessinez-vous avec ce « simple » instrument ?
– Merci ! J’ai regretté de ne pas pouvoir être là, il y a une très bonne ambiance lors de la fameuse auberge espagnole qui finit la soirée… Ma réponse à votre question est facile : j’ai découvert les possibilités graphiques du stylo à bille récemment dans un livre, « L’art du stylo à bille » , c’était… il a quatre mois ! J’ai été enthousiasmé dès mes premiers essais. Le geste, le mouvement rapide qui imprime sa trace et les formes qui apparaissent peu à peu, tout cela me convient tout à fait.
– Mais l n’y a pas de possibilité de gommer, d’effacer ! C’est sans doute ce qui renforce l’admiration du spectateur, ce côté audacieux et sûr de soi.. Cela suppose une bonne maîtrise des formes et des proportions, n’est-ce-pas ?
– C’est vrai, on ne peut pas gommer, le stylo à bille dépose de l’encre indélébile directement, mais ce qui est intéressant pour moi c’est de travailler non pas malgré les petites errances mais avec les repentirs.
– Pouvez-vous nous en dire plus ce point ?
– Je crois que le mot « repentir » a été employé pour parler de cette façon de faire en peinture au début du XIX siècle. Mais Rembrandt par exemple est bien connu pour ses nombreuses « reprises » d’une même œuvre. Le mot « repentir » véhicule par ailleurs une forte charge morale, avec sentiment de culpabilité, faute etc.. mais devient tout à fait le contraire en peinture : il y a un véritable plaisir à revenir, à modifier, à infléchir, à assouplir des traits qui étaient spontanément partis dans tel ou tel sens approximatif…
– Paul Valéry a dit que l’un des résultats les plus intéressants de ce processus de formation par reprises, repentirs, corrections successives, est sans doute l’étonnement que l’œuvre achevée doit causer à son auteur..
– Oui, il y a une jubilation finale dans cette démarche. Mais pendant les quelques heures que dure le travail..
– Environ combien de temps pour un portrait ?
– Pas moins de quatre ou cinq heures. Et pendant ce temps la démarche reste incertaine, rien n’est joué d’avance. Avez-vous vu le film dans lequel on voit Giacometti dessiner un portrait ?
– Oui, le portrait de son frère Diego, c’est un document où on est fasciné par le crayon qui va et vient de façon presque compulsive autour des deux axes des yeux et du nez, avec des dizaines et des dizaines de traits qui passent et repassent…
-… et petit à petit, ou plutôt d’un seul coup il y a une présence, un visage qui est là, face à nous. Mais je ne me prends pas pour Giacometti ! (rire)
– Je vais tout de même vous demander de dessiner pour nous un portrait, en direct ! Mais avant, encore deux questions. Avec le stylo à bille, y a -t-il d’autres possibilités que le portrait ?
– Oui, bien sûr. Dans le livre qui m’a fait découvrir cette technique il y a beaucoup d’autres sujets, genres et styles !
– Vous avez beaucoup voyagé et vous avez travaillé longtemps loin de la France métropolitaine; on retrouve cela dans le choix des personnes que vous représentez, le goût du métissage et de l’exotique. Ce sont vos souvenirs que vous re-travaillez ?
– Je choisis parmi des centaines de photos que j’ai prises, de personnes dont je trouvais « l’humanité » forte. la photo que je retrouve n’est qu’un point de départ, je ne cherche pas la ressemblance superficielle, la copie, mais plutôt à faire sortir de mes griffonnages intempestifs deux ou trois aspects que je ressens comme les plus significatifs de cette « humanité » ou peut-être parfois de cette personnalité..
– Merci beaucoup. Et maintenant, si vous êtes prêt… au travail ! je vois que vous avez toute une gamme de stylos à bille, certains très ordinaires, les couleurs de base que le tout le monde connait mais vous avez même un stylo à bille… blanc !
– oui, très difficile à trouver, de marque Mitsubishi ! mais je commence l’esquisse avec un simple stylo à bille noir… Comme ceci..

En complément, voici un diaporama de quelques portraits réalisés par Christian David… avec ses stylos à bille :

« de 7 »

et un agrandissement d’une partie de dessin, permettant de se faire une idée (agrandissez en cliquant sur l’image !) du patient travail de tissage qui permet à Christian David de produire les formes, les modelés, les nuances…d’un visage vivant qui nous regarde.
detail d'un dessin au stylo à bille